Le mensonge et la fabrique du consentement : le vade mecum des autorités françaises…

Le 21 avril 2022, France24 avec force détails diffuse des images satellitaires ou de drone montrant, selon elle, des images d’un charnier que des « soldats blancs », donc forcément des Russes de « Wagner » pelles à la main serait en train de combler à Gossi dans la base militaire que la force Barkhane vient de rétrocéder à l’armée malienne, près de Gao. Il manquait juste le mot « wagner » marqué en rouge fluorescent sur les casquettes des militaires visibles dans la vidéo toute hollywoodienne.

Les autorités maliennes attribuent la paternité du charnier aux militaires français de Barkhane. Les explications détaillées de la DIRPA (Direction de l’Information et des Relations Publiques des Armées) sur la rétrocession et les circonstances de la découverte vont dans ce sens.

De fait, les images satellitaires ou de drones de France24, le 20 avril 2022 sont d’une netteté telle qu’elles en deviennent troublantes pour tous ceux qui suivent les problèmes d’insécurité au Mali depuis 2013. Des hordes d’assassins sillonnent le pays en colonnes motorisées depuis 2014 à ce 27 avril 2022. A aucun moment nous n’avons vu d’images satellitaires ou de drones montrant ces colonnes de motos au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Les drones et satellites devaient être frappés d’une cécité qui a subitement guéri par une opération du Saint-Esprit en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Ces images sont portées à la connaissance du monde par France24 le 20 avril 2022 alors que le charnier n’a été découvert par les forces armées maliennes que le 21 avril 2022. L’armée française a-t-elle réussi l’exploit d’inventer des drones ou satellites pouvant filmer des actions avant qu’elles ne soient commises? C’est dantesque!

Les autorités françaises, ayant compris que la découverte du charnier était inévitable, auraient-elles pris les devants en accusant en premier au point de s’emmêler les pinceaux sur le timing ?

Le moment choisi questionne aussi par le fait qu’il est désormais de bon ton d’accabler la Russie non pas simplement pour la guerre en Ukraine. Mais aussi et surtout parce que les actions des armées russes en Afrique contrarient les plans bien huilés fondés sur la captation des zones africaines riches en réserves stratégiques de ressources énergétiques et de minerais essentiels.

Beaucoup de spécialistes estiment qu’au Mali, la carte des zones insécurisée est superposable à celle des ressources et minerais: gaz, pétrole, lithium, or…

Le procédé rappelle un précédent fâcheux, c’était en 1989 à Timişoara, Roumanie. En ce temps, le bloc soviétique et ses pays satellites, dont la Roumanie, prenait l’eau de toute part, c’était le début l’implosion du bloc de l’Est. A la veille de Noël, les peuples occidentaux et du monde furent horrifiés par la diffusion d’un charnier de plus 4000 corps selon les médias à Timişoara. Ces médias en ont accusé le dictateur roumain Nicolae Ceausescu, son épouse, la SECURITATE (sécurité d’Etat). Ce grand mensonge servit d’alibi pour l’assassiner, lui et sa femme, après un procès expéditif le lendemain 25 décembre 1989. Sur le sujet, Ignacio Ramonet dans un article au titre bien pertinent, « Télévision nécrophile » paru dans « Le Monde diplomatique » de mars 1990 disait ceci :

 » L’affaire de Timişoara devait jeter le discrédit sur des médias qui, jusqu’alors bénéficiaient de la confiance de leur public. Le soupçon qu’elle fit naître fut confirmé, un an plus tard, par les débordements similaires qu’occasionna la guerre du Golfe ».

Nicolae Ceausescu n’était pas responsable, le chiffre de 4000 morts était faux. C’était un montage grossier pour légitimer son assassinat.

Les officines occidentales s’en sont inspirées depuis. On invente de gros mensonges pour légitimer des actes moralement indéfendables.

Ainsi l’histoire contemporaine venait d’entrainer le reste du monde dans la fabrique du mensonge utilisé comme prétexte pour justifier les agressions des États disposant de la puissance de feu contre des pays en développement. Bien souvent, la vraie justification demeure la volonté de s’emparer des ressources dont disposent ces pays, en Libye, au Mali, ou pour un positionnement géostratégique comme en Afghanistan ou les deux en même temps.

Importe peu que le reste du monde croit indéfiniment en ces mensonges dont le but est d’être mis en avant juste le temps d’accomplir un acte limité dans le temps mais aux conséquences durables. Pour assassiner Mouammar Kadhafi, le mensonge était de l’accuser de massacrer son peuple à Bengazi. La conséquence durable est vécue par tous les peuples du Sahel dont les pays ont été volontairement mis en danger. L’OTAN, Nicolas SARKOZY et David CAMERON qui ont déversé des armes récupérées par les terroristes en Libye en 2011 et ont tué Kadhafi, mesuraient la portée de leurs actions. Les pays de ces deux hommes ont ratifié le Traité de Rome et peuvent être poursuivis par la CPI. La Procureure de la CPI pouvait s’auto-saisir du dossier et peut encore aujourd’hui. Pour moins que cela, et sur du faux on y a trimbalé Laurent K. GBAGBO. Qui a pipé mot ?

Ces faits sont si cruels pour les ressortissants du Sahel. Et si difficiles à assumer pour les peuples dont les dirigeants sont responsables de la tragédie que ces derniers font corps avec le mensonge ou regardent ailleurs.

Il est risible d’entendre, aujourd’hui, les dirigeants de ces pays parler de lutte contre le terrorisme alors qu’ils ne l’évoquent que dans le but de peaufiner de nouvelles stratégies de recolonisation. Ils nous font prendre des vessies pour des lanternes et on éructe d’aise à la manière de ces dirigeants et petits présidents de la CEDEAO et UEMOA, nos nouveaux tirailleurs.

Des indiscrétions établissent que le silence assourdissant du Nigeria au sein de la CEDEAO est lié aux promesses qui lui accorderaient un statut de membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Quid du sort d’un pays frère ? Quid de la monnaie CEDEAO ? Nana Akufo Addo aurait des velléités de rempiler pour un troisième mandat avec des chances de soutien dans certains pays faiseurs de roi s’il continue ses vitupérations contre le Mali. Tous des barreurs de petit temps.

Ces mensonges distillés dans les chancelleries, vulgarisés dans le reste du monde, cette diplomatie de la guerre, ces pirateries d’État expliquent grandement les réactions de la Russie, de la Chine et d’autres qui ont compris ce que les Africains se refusent encore à admettre. L’Occident ne veut pas perdre sa prééminence sur le reste du monde depuis la chute du mur de Berlin en 1994. L’écrasante majorité des guerres et conflits depuis 1994 ont des liens avec cette tentative occidentale désespérée de demeurer la puissance tutélaire de ce monde.

Le mensonge et la fabrique du consentement servent à écarter tous ceux qui refusent de se soumettre aux diktats par la guerre ou les assassinats.

Pourtant, toutes les données historiques attestent que les puissances font leur temps et cèdent leur place à des nouvelles qui émergent, de Gilgamesh, Nabuchodonosor, l’empire de Rome, aux USA aujourd’hui. Les puissances naissent, grandissent, atteignent leur apogée amorcent leur déclin dans le même rythme que tous les organismes vivants.

Les pays qui veulent substituer leur volonté à cette constante historique deviennent des États gangsters, des pays voyous.

Edward L. Bernays, neveu de Sigmund Freud, considéré comme le père de la propagande politique institutionnelle moderne disait : « La propagande est de plus en plus utilisée en raison de son efficacité reconnue pour obtenir l’adhésion du grand public. Cela indique à l’évidence qu’à partir du moment où quelqu’un, n’importe qui, a suffisamment d’influence, il peut entraîner à sa suite toute une partie de la population, du moins pour un temps et dans un but précis ».

C’était en 1928, dans son livre « Propaganda ». Comme vous le constatez, nous y sommes encore.

Yamadou Traoré, Analyste politique

Source : L’Aube

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